arnaud-montebourg-made-in-france-hebergeurJe me suis toujours dressé contre l’argument principal et pour le moins spécieux des tenants de la Vème République: selon eux le système mis en place, on l’a un peu oublié, en plein cœur de la guerre d’Algérie, était, et reste encore  encore le seul à faire de la France un pays gouvernable.

La démonstration est faite aujourd’hui que sous la présidence de l’homme qui invoquait dès son élection il y a à peine 18 mois, une présidence jupitérienne, qui  multipliait les signes du retour aux fondamentaux de la Vème République , il aura suffi d’environ 150 000 personnes, les « gilets jaunes », pour que la France soit effectivement devenue ingouvernable.

Pour moi la messe est dite: nous arrivons au bout d’un système usé jusqu’à la corde, incapable de se réformer politiquement parce que la politique a été cannibalisée, par une caste de hauts représentants de l’Etat qui ont fini par confondre, les intérêts de leur caste et celui des groupes d’intérêt  économiques et financiers, avec l’intérêt général.

L’Exécutif, qui n’a rien vu venir, est visiblement dans l’impasse, tenté de ramener toute cette affaire à un problème d’ordre public. C’est une lourde erreur, qui porte en elle des risques potentiellement considérables: combien de temps faudra-t-il à la police républicaine pour réaliser que les politiques refusent de prendre leurs responsabilités , c’est à dire de rechercher une sortie politique à la crise, et font peser tout le poids de cette situation sur les épaules des fonctionnaires de police et de gendarmerie , et quelle sera sa réaction quand elle le comprendra, si ce n’est déjà fait.

Et voilà que sort du chapeau, dans une impréparation stupéfiante, un « grand débat » dont personne ne sait à quelques jours de son ouverture, qui va le piloter, sur quoi il portera exactement, et quel pourrait en être l’aboutissement.

Le seul grand débat qui compte pour moi dans une démocratie, c’est celui qui se déroule librement sur une période assez longue pour que ce ne soit pas une mascarade, et qui reçoit, le moment venu , la sanction du suffrage universel.

D’aucuns pensent à une dissolution de l’assemblée nationale: cela ne ferait qu’ajouter au chaos car il est vraisemblable qu’aucune coalition crédible n’obtiendrait la majorité à l’assemblée nationale et devrait de toute façon compter avec un sénat conservateur.

Reste le référendum constituant , pour ouvrir un vrai grand débat pour une refonte en profondeur de la constitution, qui offrirait au pays la possibilité d’adapter ses institutions aux réalités de notre temps et aux aspirations de la population dont les propositions des gilets jaunes ne font que donner un aperçu.

Bref, plus que des adaptations mineures et de toute façon insuffisantes de la Vème République, il faut aujourd’hui un changement de régime qui mette fin à cette monarchie élective dont on découvre aujourd’hui les effets mortifères pour notre pays.

Arnaud Montebourg avait fondé le 7 novembre 2009 la Convention pour la VIème République , avec Bastien François, ils avaient été jusqu’à écrire la constitution de la VIème République publiée chez Odile Jacob. C’est Paul Alliès qui préside aujourd’hui la C6R . il écrit aujourd’hui dans son blog en évoquant les pouvoirs du Président de la République :

« Singulière, cette super puissance l’est dans le concert des régimes démocratiquesAucun des treize autres pays de l’Union Européenne qui élisent leur président au suffrage universel direct ne connaissent une telle concentration et centralisation du pouvoir. Si bien que quelques libéraux en France en ont fait le procès en temps réel : tels Raymond Aron ou Jean-François Revel. Il dénoncèrent, en vain, un « absolutisme inefficace » où le président ne décide pas de tout mais de ce qu’il veut décider, jusques et y compris le choix de 223 emplois de direction (de la Sncf ou l’Opéra de Paris jusqu’au Consul général de Los Angeles) sans oublier le procureur général de Paris et bien d’autres. La « société de cour » ainsi produite, sécrète une étiquette qui régit les sommets de l’Etat, loin de la méritocratie républicaine. Le contraste avec les contre-pouvoirs établis par le régime présidentiel des Etats-Unis est spectaculaire (imagine-t-on en France le scénario qu’illustre la nomination du juge Brett Kavanaugh à la Cour Suprême ?).

Je regrette personnellement que les socialistes aient perdu tout esprit critique envers le régime que nous vivons, et que Arnaud Montebourg se soit retiré de la vie politique, car il aurait pu porter aujourd’hui, plus que quiconque, le projet du changement de régime indispensable pour éviter à notre pays de s’enfoncer dans l’inconnu.

Je crains malheureusement que nous allons manquer l’occasion de renouveler en profondeur nos institutions au lieu de procéder une fois de plus à des modifications cosmétiques destinées à  dissimuler par un nouveau maquillage les profondes rides que le régime ne peut plus cacher et qui vont finir par défigurer notre pays.