GillesLors de l’allocution qu’il a prononcée à l’occasion de l’installation des instances de l’assemblée de Corse, Gilles Siméoni s’est prononcé pour une inflexion des politiques publiques.

Pour la souhaiter depuis longtemps, je ne vais pas m’en plaindre, mais au contraire m’en réjouir, avant bien sûr, de poser un certain nombre de balises qui me permettront de juger, lorsqu’elles se produiront, de la pertinence et l’importance des inflexions proposées et mises en œuvre par l’exécutif.

Pour juger d’une inflexion, il faut d’abord s’entendre sur le sens que l’on envisage de lui donner, car comme la langue d’Esope, une inflexion peut être appréciée comme la meilleure ou la pire des choses. On peut par exemple infléchir une politique publique dans le sens de la privatisation, ou au contraire dans le sens du renforcement du secteur public, et le même mot recouvrira des considérations tout à fait différentes.

Il faut ensuite se demander quelles sont les politiques qu’il convient d’infléchir, dans quel ordre, dans quel délai, et pourquoi il  faut agir vite et fort.

Pour faire court, j’en distingue pour ma part trois qui méritent d’être infléchies , en acceptant bien sûr  qu’une fois amorcée l’inflexion il faudra du temps pour en achever la mise en œuvre.

I- Le transport et le traitement des déchets.

Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas de renoncer au tri, mais au contraire d’en accélérer la mise en œuvre.

Il est par contre indispensable et urgent d’infléchir la politique suivie à ce jour, d’une part dans le sens d’un simplification de l’écheveau  pléthorique des instances qui interviennent dans ce dossier, et d’autre part dans le transport et le stockage des déchets collectés par les communes ou leurs organisations.

La Corse est la seule région française à s’être dotée d’un Office de l’Environnement, en prise directe sur la CDC dont il est l’outil pour toutes les questions relatives à la protection de l’environnement. Qui peut contester sérieusement que le traitement des déchets en ressort ?  c’est à lui qu’il revient de mener à bien une nouvelle politique de traitement des déchets sur l’ensemble du territoire. S’il est indispensable que les communautés de communes et d’agglomération collectent les déchets au plus près de ceux qui les produisent, le SYVADEC n’est plus , dans ce schéma, indispensable et doit être supprimé .

D’autre part, le transport, et le traitement en centre d’enfouissement des déchets sont , aujourd’hui, entièrement privatisés.

L’ensemble des listes qui sont aujourd’hui, directement ou non, aux affaires à la CDC se sont prononcées pour que ce secteur économique soit administré par la puissance publique, et c’est dans cette direction qu’il faudra, en effet, infléchir sérieusement, et rapidement la politique suivie jusqu’ici.

Pour des raisons d’efficacité et de cohérence d’abord, mais aussi, et ce n’est pas rien, parce que c’est là que les maffias locales se sont installées et profitent d’une rente de situation qui n’a que trop duré.

S’il faut, dans ce domaine, donner le signal d’une inflexion, c’est assurément en annonçant rapidement que la CDC s’engage dans cette direction et présente un calendrier précis au vote de l’assemblée de Corse.

 II- Le Tourisme.

Oublions que , en ces temps de relatif « après Covid » les touristes, comme les professionnels corses du tourisme, ont besoin  d’une respiration. Il n’en demeure pas moins que , un peu partout dans le monde, les politiques basées sur le tout tourisme , le tourisme de masse ou la recherche effrénée d’une fréquentation en hausse, sont remises en question.

La Corse est devenue dépendante de la mono industrie touristique, et comme toutes les dépendances , il va lui falloir qu’elle s’en  libère pour ne pas avoir à en payer le prix fort.

Elle doit pour cela viser l’excellence, dans tous les domaines, car c’est le moyen le plus sûr de tirer du tourisme un revenu suffisant sans qu’il soit conditionné par l’augmentation de la fréquentation. Excellence de l’accueil, excellence de la production agro-alimentaire, excellence de la conservation du patrimoine naturel et culturel. Ce n’est pas le chemin suivi à ce jour, et il va falloir donner comme promis, les signes témoignent de la prise de conscience des autorités et de leur volonté de changer de paradigme.

S’l faut dans ce domaine , donner le signe d’une inflexion significative, pourquoi pas  une annonce forte pour mettre fin à la sur-fréquentation de la réserve de Scandola et le transfert de l’administration directe de la réserve à l’Office de l’Environnement au lieu du Parc Naturel Régional qui a fait la preuve de son incapacité à prendre le sujet à bras le corps.

III-Les transports.

 Alors que partout on s’interroge sur le rôle de l’automobile et que se développent des modes de transport jugés jusque là hétérodoxes , le tout voiture demeure la règle en Corse, la Région française la plus rétrograde en matière de transport en commun.

Au lieu de réfléchir à une autre organisation des transports intérieurs, nous nous obstinons à entretenir à grand frais six ports de commerce et quatre aéroports , et alors que l’on doit se poser la question de la réduction de la dépendance notre économie à la mono-industrie touristique,  nous nous engagerions dans la construction d’un nouveau port à Bastia ?

S’il faut donner le signe d’une inflexion en la matière, rien n’est plus indiqué me semble-t-il que d’annoncer que la CDC renonce à ce projet pharaonique, et déploie les financements prévus à cet effet , pour la mise en chantier d’un réseau de transport en commun de passagers et de marchandises ferroviaire digne de ce nom..

Ce ne sont là que quelques suggestions, sur lesquelles j’aurai sans doute à revenir dans les semaines qui viennent, à mesure que le nouvel exécutif fera connaitre le calendrier des inflexions prévues.