Il y a quelques jours j’interrogeais un de mes amis, membre du Cercle des Economistes: comment vois tu l’après Covid ? Comme l’avant, me répondit il, mais en pire.. Je n’ai pas été surpris de sa réponse même si elle a pu me troubler et m’interpeller sérieusement.
A la réflexion, lorsque j’observe ce qui se passe en Corse, c’est probablement ce qui, l’échelle insulaire permettant d’en prendre plus facilement la mesure, risque en effet de se produire.
Si j’ai bien compris ce qui se passe aujourd’hui dans certains secteurs de l’économie nationale, voire mondiale, une remise en cause sérieuse va affecter, durablement, le transport aérien , le tourisme et, d’une certaine façon la grande distribution.
La crise du transport aérien, qui ne fait que commencer, va redistribuer les cartes dans l’ensemble des secteurs de la mobilité, au bénéfice manifeste du ferroviaire et des modes de transports alternatifs. A l’exception, naturellement, des liaisons aériennes longue distance.
L’industrie touristique , et les activités qui en dépendent directement comme l’hébergement et la restauration, aura été incontestablement la plus affectée par la crise sanitaire. Malgré la perfusion mise en place par l’Etat , on peut craindre que nombre d’entreprises du secteur ne survivent pas dès que se tarira le goutte à goutte.
Parallèlement, l’apparition brutale et soudaine de la pandémie aura jeté un éclairage crû sur l’extraordinaire fragilité des économies qui ont mis tous leurs œufs dans le panier du tourisme de masse. A peu près partout le modèle est remis en cause, sans que l’on ait vraiment trouvé un modèle alternatif crédible, d’autant que d’autres menaces dues aux dévastations qu’annoncent les changements climatiques, érosion dévastatrice et recul du rivage maritime, répétition prévisible des épisodes climatiques extrêmes, pèsent sur le secteur.
La grande distribution, quant à elle, si elle a largement profité de la crise sanitaire qui a favorisé la consommation au détriment des loisirs et des voyages touristiques, va affronter rapidement la concurrence des circuits courts qui se sont mis en place et ont montré que la course au gigantisme de ses installations, déjà menacée, ne pouvait que s’accélérer.
Je tiens ces évolutions comme acquises, et je ne puis que m’interroger sérieusement sur la direction suivie par notre île, qui me parait aux antipodes des orientations qui s’imposent aujourd’hui.
Ainsi, alors que un peu partout dans le monde les hypermarchés ont du plomb dans l’aile , la Corse est en passe de battre le record du nombre de mètres carrés de grandes surfaces par habitant. En Corse du Sud, dans un paysage ravagé par un urbanisme commercial délirant deux hypermarchés géants , concurrents, se retrouvent à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre !
Cerise sur le gâteau, à l’inauguration du premier construit se bousculent deux de nos plus importantes excellences , fraichement arrivées au pouvoir territorial, au son du Diu Salve Regina ..
En Corse du Sud toujours, comme le souligne l’excellent article signé Pierre Corsi dans Le journal de la Corse les mêmes élites se félicitent du financement de l’extension de l’aéroport de Figari, c’est à dire de la consécration du tourisme de masse , alors qu’un peu partout en France les extensions aéroportuaires sont déprogrammées, à commencer par la construction du quatrième terminal de l’aéroport Charles De Gaulle, et que les régions ou la dépendance au tourisme de masse est importante s’interrogent sur les conséquences qu’elle entraine.
Le nouveau maire nationaliste de Porto Vecchio retrouve même pour la circonstance les accents de ses prédécesseurs , les « hommes de clan » Georges Mela et Jean Paul De Rocca Serra !
Sans parler bien entendu du projet pharaonique de nouveau port à Bastia , dernier clou au cercueil du tourisme raisonné dont a le plus grand besoin notre Île, avant que ce qui fait son charme et sa richesse ne soit irrémédiablement perdu.
Les nationalistes au pouvoir, pour lesquels j’ai voté et fait campagne, et que je soutiens encore, ont investi 2 millions d’Euros au rachat d’une parcelle de terre sur l’Îlot de Cavallo afin de, disent ils, » rendre la terre de Cavallo à la Corse ».
En consacrant le modèle social du tourisme de masse et son corollaire fait de spéculation et de bétonisation au bénéfice des résidences secondaires, il faudra beaucoup plus que deux millions d’euros pour rendre à la Corse ce qu’elle aura perdu pour n’avoir eu ni l’énergie ni le courage d’infléchir la politique touristique suicidaire menée depuis des lustres, dont chacun espérait ne fut-ce que le début de la fin.. ..
C’est pourquoi je les appelle à se ressaisir et à faire preuve d’imagination et de courage avant qu’il ne soit trop tard, car le moment n’est pas loin ou il ne sera plus possible de redresser une situation déjà passablement compromise.
En politique, tout est permis.. A l’exception du reniement, toujours contre-productif, et rarement pardonnable. Les socialistes français en payent, aujourd’hui, le prix fort.