La première visite à Ajaccio de « madame Corse » s’est manifestement bien passée, et c’est très bien car elle a semble-t-il instauré un climat de confiance qui est le préalable indispensable au succès de toute discussion.
Resta à présent à approfondir les discussions, en laissant les sujets les plus sensibles pour la conclusion, afin que cela ne rende pas dès les départ les accords trop difficiles.
Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd’hui il faut d’abord revenir un peu à l’origine du statut actuel de la Corse.
La Collectivité Territoriale de Corse a été créée sur la base de l’article 72 de la Constitution, alinéa 1er qui autorise la création de nouvelles collectivités territoriales.
Le Président de la République s’était engagé devant le congrès des maires à mettre en oeuvre une réforme pragmatique, qu’il qualifiait de girondine , basée sur le constat que l’application des Lois votées par le Parlement ne pouvait s’exécuter de manière homogène dans des territoires qui présentent entre eux des situations parfois très différentes.
C’est la notion de différentiation des territoires, jusque là tabou, qui doit inspirer cette importante réforme, sur laquelle pourrait s’appuyer la Corse pour obtenir les transferts de compétence indispensables à la mise en chantier d’un certain nombre de réformes.
Il semble que le projet gouvernemental s’articulerait de la manière suivante:
- l’expérimentation de transferts de nouvelles responsabilités réclamées par des collectivités et jusqu’ici refusées avec un pouvoir local de proposition; pour la Corse ce dernier point était déjà prévu dans le statut Joxe mais ça n’a jamais fonctionné.
- davantage de délégations de compétences de l’Etat vers les collectivités, déjà encadrées par la Loi de Modernisation de la vie Publique de 2014 .Reste à connaitre de quelle façon s’effectuera l’arbitrage entre les recours à l’expérimentation et les recours à la délégation. Celle ci étant plus légère et offrant un plus grand pouvoir de contrôle à l’Etat, est souvent utilisée pour contourner l’expérimentation.
- l’attribution aux collectivités d’un pouvoir réglementaire d’application des lois concernant les compétences qui leur auraient été déléguées, afin de leur permettre de mieux les adapter aux spécificités locales , mais une loi sera alors nécessaire.
C’est surtout de ce dernier point que la majorité nouvellement installée pourrait tirer le maximum d’avantages à condition que la discussion avec l’Etat sur les compétences transférées et les conditions du contrôle de leur exercice ne posent pas trop de difficultés.
Il est clair que des questions comme ce que l’on appelait il y a encore quelques temps les arrêtés Miot , ou la question de la TVA sur les vins produits et consommés en Corse, ainsi que le transfert de la compétence fiscale sur le patrimoine à la Corse trouveraient là un règlement définitif.
On ne tardera pas à en savoir davantage avec la rencontre avec le Premier ministre programmée pour le 22 janvier et le déplacement d’Emmnuel Macron en Corse le 6 février.
En même temps, le Congrès du Parlement à Versailles étant prévu au début de l’été, les textes des projets de lois constitutionnelles ne devraient pas tarder à être arrêtés en Conseil des Ministres , probablement avant la fin février.
Nous connaîtrons à ce moment là le contenu exhaustif de lé réforme.
On aura alors l’ensemble des éléments qui permettront à la majorité nationaliste de connaître le dispositif final sur lequel ils pourraient compter.
On est certes loin de » l’autonomie de plein droit et de plein exercice » réclamée par Gilles Siméoni, mais à chaque jour suffit sa peine , il va sans doute falloir s’en contenter.
La réforme profitera à l’ensemble des collectivités, comme l’on toujours souhaité les forces anti nationalistes en Corse, mais il n’est pas certain qu’elle satisfera les plus radicaux des nationalistes.
On peut espérer par contre que le dispositif arrêté par l’Elysée trouvera une majorité au Congrès: beaucoup trop d’élus locaux, communaux ou départementaux, attendent énormément de la possibilité d’expérimenter sur leur territoire de nouveaux dispositifs, ce qui devrait les faire réfléchir avant de s’opposer au gouvernement pour le mettre en difficulté.
Le semestre s’annonce riche en événements: il nous faut espèrer que le dénouement permettre sinon un règlement en profondeur de la Question Corse, loin s’en faut, mais une respiration bénfique pour notre Île au plan du développement comme au plan politique.