stefLa question de l’attribution des fonds relatifs à la desserte maritime de la Corse soulève à nouveau un conflit , déclenché par les personnels de la Compagnie Méridionale de Navigation, filiale du groupe STEF, dont l’offre n’a pas été retenue par la Collectivité de Corse, pour la DSP provisoire qui s’étalera sur une durée de 15 mois, en attendant la nouvelle DSP prévue pour 10 ans.

L’offre de Corsica Ferries ayant été également déclarée irrecevable  La société Corsica Linea sera donc, si l’assemblée de Corse vote le rapport de la commission d’appel d’offres, déclarée seule attributaire, pour une durée de 15 mois, de la somme d’environ 80 Millions d’Euros dévolue au transport maritime.

Y aurait il détournement de la procédure , voire favoritisme, , comme l’affirment un certain nombre de personnes qui ne portent pas dans le coeur la majorité nationaliste de l’assemblée de Corse ?

Je ne le pense pas: d’abord parce que les compagnies qui ont été écartées et ont introduit des recours devant les tribunaux compétents ont été déboutées. Ensuite parce que la préfète, qui a traduit la Collectivité de Corse devant le Tribunal administratif dans l’affaire de l’attribution du marché de la fibre optique n’aurait pas hésité une seconde à réitérer cette démarche si elle avait eu le moindre soupçon.

L’exécutif a , c’est clair, bétonné la procédure et l’a rendue, semble-t-il inattaquable. Faudra-t-il rappeler à ceux qui poussent aujourd’hui des cris d’orfraie ce qui s’est passé lors des deux précédentes mandatures ?

Des procédures bricolées sous la pression au sein de la majorité de l’époque du PC et de la CGT, pour permettre au tandem SNCM-CMN de passer le cap, qui ont abouti à de lourdes condamnation de la Collectivité, poursuivie en justice et devant la commission européenne , qui ont permis à Corsica Ferries d’encaisser 84 millions d’Euros d’indemnités !

Fut il rappeler également la condamnation de l’ex-SNCM à rembourser près de 400 millions d’Euros à l’Etat pour avoir obtenu une DSP dans des conditions plus que douteuses ? Cette dette n’ayant pas été honorée pèse d’ailleurs encore aujourd’hui comme une épée de Damoclès sur la tête  de Corsica Linea qui en a hérité et n’a pas obtenu la disruption qu’elle attendait en reprenant actif et passif de la SNCM..

Reste à considérer le fond de l’affaire. Il est tout entier contenu dans la réponse  du représentant syndical des marins de la CMN à un journaliste qui lui demandait si la proposition de la direction de la compagnie de demander à l’OTC l’autorisation de desservir la Corse sous le régime des OSP, ( Obligations de Service Public) c’est à dire, sans subvention forfaitaire, comme Corsica Ferries, lui convenait.

Certainement pas, répondit le syndicaliste, car cela reviendrait à reconnaître que l’on peut desservir la Corse sans subvention de l’Etat, ce qui alerterait la Commission Européenne et aboutirait à la suppression de l’enveloppe de continuité territoriale !

On touche là au nœud du problème de la desserte de la Corse sous le régime de la Délégation de Service Public et de l’enveloppe de continuité territoriale.

Les propos du syndicaliste, par ailleurs tout à fait pertinents, jettent une lumière crue sur la rente de situation que constitue jusqu’à ce jour, la partition des quelques 180 millions d’Euros de cette enveloppe entre les compagnies maritimes et aériennes qui desservent notre Île et en ont bénéficié les unes comme les autres.

Il n’est pas sain de s’enfermer dans un système qui conduit à fonctionner sur la base d’une rente de situation: ni pour l’entreprise qui ne se sent pas obligée d’opérer les réformes qui pourraient la mettre à l’abri d’une perte d’un marché, ni pour la collectivité qui se trouve enfermée dans une sorte d’automatisme qui la prive de toute liberté d’action.

Les compagnies maritimes et aériennes bénéficiaires depuis des lustres des fonds de la continuité territoriale se sont enrichies et leurs personnels ont ont , tout à fait légitimement bénéficié.

La crise que ce système traverse aujourd’hui montre qu’on ne peut pas continuer sur la voie tracée il y a près de 50 ans: il faut réformer ce système en profondeur et retrouver une souplesse indispensable à une bonne administration de l’argent public.

La solution que je préconise depuis longtemps est de ne plus subventionner les compagnies, comme c’est le cas aujourd’hui, et d’y substituer l’aide directe au passager ou à la marchandise transportée.

C’est la réforme qu’aurait dû mettre en chantier la majorité nationaliste au lieu de mettre ses pas dans ceux de ses prédécesseurs et de se retrouver, comment aurait il pu en être autrement, dans le même piège.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire, et le courage et la lucidité commandent que l’on s’y résigne un jour… Avant qu’il ne soit trop tard.

Reste enfin à examiner la situation créée dans notre Île par le Consortium qui pilote Corsica Linea dont l’importance considérable dans des secteurs vitaux comme les transports maritimes de marchandises, les transports routiers et la grande distribution, pour ne citer que ceux qui touchent à la question des transports,  pose déjà et posera incontestablement demain un sérieux problème.

Il faut que nos élus l’abordent franchement et sans faiblesse , et le plus tôt sera le mieux, en même temps que l’Etat qui ne peut ni ne doit faire la politique de l’autruche. Mais ce n’est sûrement pas à travers de bout de la lorgnette de l’affaire CMN qu’il convient de le faire.