Je n’évoquerai pas ici la primaire de l’ex-gauche de gouvernement: j’attends comme tout un chacun le résultat de dimanche 29 janvier pour m’exprimer cartes sur table.
Je voudrais seulement essayer de comprendre, à la lumière de ce que je connais des ressorts qui assurent depuis des lustres le fonctionnement du Parti socialiste, l’invraisemblable proposition du revenu universel avancée par Benoit Hamon.
D’abord rétablissons les choses à leur juste place, Hamon n’a rien inventé : L’idée que sa proposition recouvre se situe dans la lignée de réflexions parfois anciennes, de Thomas More à Thomas Paine et, plus récemment, Friedrich Hayek et Milton Friedman. On parlera ici indifféremment de « revenu de base » ou de « revenu universel », car les principes de chacun des projets restent, dans les grandes lignes, identiques : il s’agit de verser régulièrement à chacun un revenu d’un montant égal pour tous, sans contrôle des ressources et de façon inconditionnelle soit sans qu’une contrepartie soit exigée.
Le revenu de base se distingue donc des minima sociaux, comme le revenu de solidarité active, souvent versés sur une base familiale, soumis à conditions de ressources et dont la perception oblige en retour l’allocataire, suivant une logique contractuelle de droits et devoirs .
Il ne s’agit pas pour moi de faire la critique de cette idée, la campagne en ouvrira j’imagine les portes, mais de m’élever contre la manière dont une certaine gauche cherche systématiquement à régler les problèmes qui se posent à la société par une mesure , de préférence symbolique et frappant l’imagination, sensée tout règler d’un coup de baguette magique.
En 1981 c’étaient les nationalisations à 100 % d’un certain nombre d’entreprises une bonne cinquantaine . Il fallait alors sacrifier devant le peuple de gauche à la sacro sainte « réappropriation des moyens de production » . Rocard et Delors , alors vilipendés par la majorité mitterrandiste du PS comme suppôts du capitalisme, avaient plaidé sans succès pour se limiter à acquérir 51% du capital .
On connait la suite : en 1983 il a fallu arrêter les frais et entamer une vague de dénationalisations presque aussi ruineuses que les nationalisations. Par la suite la gauche mitterrandiste avec Michel Beregovoy d’abord puis Lionel Jospin, qui a établi un record, se sont distinguées par leur zèle à déréguler l’économie et à brader les participations de l’Etat.
Voilà qu’aujourd’hui Benoit Hamon nous ressert le coup de la poudre de Perlin Pinpin avec le revenu universel . La logique est exactement la même: une initiative spectaculaire, comme les nationalisations à 100%, une mesure généreuse , du moins à première vue car on n’a bien entendu aucun recul sur cette question, la question du coût évacuée d’un revers de main, tout y est, et ça marche, du moins pour séduire cette frange de la gauche en mal de symboles.
La gauche s’était péniblement convertie à la culture de gouvernement, c’est à dire à l’idée que seule une action dans la durée peut vraiment permettre de transformer durablement la société et que gouverner entraîne nécessairement l’impopularité. La peur de l’impopularité, le gout immodéré de l’incantation et des effets de tribune, le confort de l’opposition, viennent de remettre en cause le chemin accompli.
Le problème du fusil à un coup, c’est qu’on n’a pas intérêt à manquer sa cible, sinon elle vous revient brutalement dans la figure et ça fait mal.
Nous ne tarderons pas à être fixés sur l’avenir du parti socialiste: celui de Mitterrand fruit de synthèses devenues impossibles a quant à lui vécu et ses héritiers, incapables d’avoir anticipé sa chute sont condamnés à la lente agonie de ceux qui, dans l’histoire, on choisi de préférer la fuite en avant vers l’utopie au courage d’affronter la réalité.