En écoutant il y a quelques jours cet entretien sur France Inter j’ai cru un instant que j’écoutais François Ruffin, et je m’aperçus qu’en réalité les propos que j’entendais sortaient de la bouche de Matthieu Pigasse banquier d’affaires, ancien associé de la Banque Lazard et l’un des principaux actionnaires du quotidien Le Monde.
Il était invité à commenter son nouvel ouvrage, paru aux éditions de l’Observatoire, La Lumière du Chaos.
Il y a quelques mois , lors de l’amphi-situ de l’AgroParisTech, la grande école du vivant dont je suis moi même issu, un groupe d’élèves prenait la parole pour critiquer vertement l’enseignement qu’ils venaient de recevoir. Les étudiants, je cite, n’y sont pas allés de main morte. Pour eux, AgroParisTech » forme ses élèves à concevoir des plats préparés, et ensuite des chimiothérapies pour soigner les maladies causées ; inventer des labels bonne conscience pour permettre aux cadres de se croire héroïques en mangeant mieux que les autres ; développer des énergies dites vertes qui permettent d’accélérer la numérisation de la société tout en polluant et en exploitant à l’autre bout du monde ».
Hier encore, en Europe comme aux Etats Unis, des collectifs de milliardaires s’indignent que les revenus du capital, les leurs, soient beaucoup moins taxés que les revenus du travail et réclament que l’on taxe davantage les milliardaires pour réduire des inégalités qui explosent un peu partout dans le monde à un niveau devenu selon Matthieu Pigasse, à la fois inexplicable intellectuellement, injustifiable et intenable.
Il y a là trois éléments d’une grande importance qui démontrent que la prise de conscience commence à émerger, au sein même des élites du capitalisme libéral que l’explosion des inégalités mène tout droit au chaos si des mesures drastiques ne sont pas arrêtées pour essayer de l’éviter.
Il y a effectivement de quoi s’indigner lorsque l’on apprend que 60 personnes dans le monde concentrent près de 50% de la richesse mondiale: une accumulation plus qu’indécente, et carrément obscène.
Comment ne pas se révolter lorsque l’on constate , comme Claire Trottier, cette jeune Québécoise qui a quitté son poste à l’université McGill, à Montréal, pour se consacrer à la Fondation familiale Trottier, créée par ses parents qui ont fait fortune dans les hautes technologies, en réalisant que son salaire de prof était beaucoup plus taxé que les dividendes qu’elle percevait sur la fortune que lui a légué son père.
Ces milliardaires critiques ont créé un site web sur lequel ils affichent leurs convictions. Si certains apparaissent sous un pseudonyme, la plupart s’affichent sur leur véritable identité. On y trouve, entre autres l’héritière de l’empire Disney, mais pas un seul de nos milliardaires chouchoutés par notre président , un ex banquier qui n’est pas comme Matthieu Pigasse de gauche, mais ça il n’y a que les autruches qui ne s’en sont pas rendu compte.
Le capitalisme libéral aura été la cause principale de l’explosion des inégalités, mais aussi du repli sur soi et de la perte du sens du collectif qui minent notre société et la conduisent à sa perte.
Matthieu Pigasse cite un auteur américain qui a étudié le cycles des inégalités dans le monde à travers les siècles et en conclut qu’ils se sont toujours terminés par ce qu’il appelle l’un des 4 cavaliers de l’apocalypse:
- la révolution
- l’effondrement de la civilisation
- la guerre
- l’épidémie
Les prémisses sont en train de se dessiner sous nos yeux, et il ne suffit plus de s’indigner, il faut agir sans délai, et il n’est pas indifférent pour moi d’imaginer que le réveil des élites qui ne sont pas toutes corrompues par la cupidité va y contribuer.