Nous voici au coeur d’une crise inédite , multiforme et particulièrement dangereuse, aux conséquences encore imprévisibles , mais sûrement très importantes.
Regardons les choses en face: si nous sommes confinés à domicile ce n’est pas à cause de l’épidémie, dont le taux de mortalité est au bout du compte relativement faible , c’est parce que notre système de santé est à genoux et que les capacités d’accueil de nos hôpitaux sont largement au dessous de ce qu’il faudrait pour affronter le choc d’un accident sanitaire aussi important qu’imprévu.
En présentant leur démission , dès janvier, un peu plus de 1 000 médecins hospitaliers, dont 600 chefs de service, avaient choisi cette manifestation symbolique pour protester contre le manque de moyens, soulignant la précarité du système hospitalier. Il y a quelques jours , un collectif de médecins a déposé plainte contre l’ancienne ministre de la santé et le Premier ministre : du jamais vu dans notre pays.
Madame Buzin, qui a abandonné son poste de ministre de la santé alors que la crise se développait dangereusement pour postuler à la mairie de Paris porte, dans le quotidien Le Monde, de graves accusations contre le gouvernement auquel elle participait, allant jusqu’à qualifier de mascarade l’organisation du premier tour des elections municipales.
Aujourd’hui encore, personne n’est vraiment capable d’expliquer pourquoi nos personnels soignants n’ont toujours pas reçu la dotation de masques qui leur est indispensable pour se protéger , même si, au demeurant l’explication est sans doute simple : il n’y avait pas de stocks assez importants, et notre industrie, malgré les réquisitions, se montre incapable de faire face à la demande.
Enfin, pourquoi a-t-il fallu attendre hier pour mobiliser les cliniques , qui disposent pourtant de plus de lits de réanimation que nos hôpitaux, dans le dispositif de lutte contre l’épidémie arrêté par le ministre de la santé ?
Entendons nous bien, il ne s’agit pas, alors que la situation est aussi grave, de tirer sur le pianiste. Mais il importe dès à présent de pointer les graves faiblesses de notre pays que fait apparaître la crise, afin d’être en mesure, lorsqu’elle sera derrière nous d’entamer l’immense chantier qui s’annonce, du redressement du pays et des profonds changements qu’entraîneront les suites attendues pour notre économie et plus largement notre société.
Notre pays, engagé dans l’impasse dans laquelle l’a entraîné l’aveuglement de ses dirigeants, et cela ne date pas de juin 2017, même si la politique suivie depuis a aggravé la situation, est affaibli et , dans nombre de secteurs qui engagent l’avenir, il régresse et accumule le retard.
Pour avoir laissé les actionnaires gouverner à leur place, les politiques se trouvent aujourd’hui face à leurs errements. Maximiser les profits en délocalisant des secteurs vitaux de l’économie et des pans entiers de nos industries en Chine a certes permis que s’accumulent des fortunes vertigineuses.
Par contre, cette politique a provoqué des dégâts considérables dont on peut voir aujourd’hui les premières conséquences en livrant les gouvernements au bon vouloir ou à la disponibilité des biens essentiels dont ils ont besoin pour faire face à l’épidémie et en les laissant démunis pour protéger nos concitoyens aussi efficacement qu’ils le méritent.
Peu d’hommes et de femmes politiques avaient eu l’intuition de ce qui pourrait arriver si on ne freinait pas la course au profit qui a , pour l’essentiel, exaspéré la mondialisation des échanges.
Dans notre pays , seul le socialiste Arnaud Montebourg avait vu clair et avait dénoncé les dérives dont on constate aujourd’hui le résultat, en même temps qu’il avait pointé l’extrême faiblesse de notre tissu industriel et avait tenté d’entreprendre son redressement.
Il n’a pas été entendu, et son successeur au ministère de l’économie , un certain Emmanuel Macron, n’a tenu aucun compte de ses avertissements, et c’est le moins que l’on puisse dire.
Nous finirons par sortir de ce mauvais pas, la France en a vu d’autres, et il nous faudra tirer les leçons de ce qui s’est produit, dans le domaine de la santé, mais pas seulement.
Il est trop tôt pour esquisser ce que pourrait être une autre politique, une autre façon de considérer le monde. Ce qui est sûr, comme l’a très bien formulé Albert Einstein : ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut espérer les résoudre.