Les institutions de la Vème République ont été voulues et élaborées pour mettre fin à l’instabilité chronique de la IVème République embourbée dans la guerre d’Algérie. Le mode de scrutin présidentiel et législatif qui a été choisi, l’élection à deux tours, correspondait et favorisait le bipartisme.
Elles ont fonctionné tout à fait correctement jusqu’à ce que s’impose progressivement le FN dans le paysage politique , aujourd’hui incontestablement le premier parti de France, instituant avec le tripartisme une incertitude inconnu jusqu’alors dans un système bien huilé. L’apparition de En Marche a achevé de complexifier le jeu , portant l’incertitude à des sommets jusque là inconnus, et accroissant considérablement les marges d’incertitude que comporte toute élection au suffrage universel.
Les difficultés économiques accumulées, la persistance du chômage de masse, la perte considérable de crédibilité des deux principaux partis de gouvernement minées par les affaires financières et leur incapacité à résoudre le chômage, accentuent cette incertitude et l’angoisse qui en découle dans de larges franges de l’opinion.
Aujourd’hui il n’y a plus beaucoup d’observateurs de la vie politique dans notre pays pour exclure totalement une victoire de l’extrême droite dans moins de trois mois. La montée brutale des taux d’intérêts démontre entre autres que l’inquiétude gagne les marchés ou notre pays trouve aujourd’hui l’argent pour payer ses fonctionnaires..
Quoiqu’il en soit, et quel qu’il soit, la France aura un président, ou une présidente, le 7 mai prochain. Ce n’est pas pour autant qu’elle pourra éviter la crise de régime qui s’annonce et dont tous les ingrédients sont dores et déjà là.
Tout indique en effet que celui ou celle qui sera désigné par le corps électoral pour affronter Le Pen ne disposera guère plus de 20% des suffrages exprimés au premier tour, constituant le socle sur lequel il pourra s’appuyer pour conduire sa politique . Quand bien même il serait élu il n’ira pas bien loin s’il veut accomplir des réformes, avec le soutien d’un français sur cinq et peut être un sur sept ou huit si l’on prend en compte les abstentions qui ne manqueront pas d’être importantes au premier tour.
De plus, la dispersion du corps électoral et la présence probable en bonne position des candidats du FN dans de nombreuses circonscriptions le privera très probablement d’une majorité nette et docile pour appliquer les réformes qu’il aura présenté aux électeurs, sans compter la boite de Pandore ouverte par les frondeurs qui annonce des comportements jusque là inconnus au Parlement de la République..
C’est donc une vraie crise de régime que l’on a devant nous, quoiqu’il arrive, et surtout bien sûr en cas d’élection de Le Pen.
De toute évidence une profonde réforme de notre architecture institutionnelle s’impose, et ce sera sûrement l’un des chantiers les plus difficiles pour le nouveau président ou la nouvelle présidente: en effet tout le monde le souhaite, mais un large consensus sur son ampleur est plus qu’improbable.