Quand je me suis engagé à gauche je n’avais pas 18 ans , j’étais en classe préparatoire au Lycée Henri IV à Paris et les sujets qui nourrissaient nos conversations étaient la faim dans le monde et l’avenir du Tiers Monde.
C’était en quelque sorte notre mondialisation. La différence c’est qu’elle ne nous faisait pas peur, et que tout au contraire elle nous passionnait et nous donnait envie de participer à ce que nous considérions un peu comme une croisade, ou en tout cas une noble mission.
La gauche, à l’époque était de tous ces combats, pour un monde plus juste, plus équilibré, et nombre d’entre nous s’y sont engagés, comme je l’ai fait moi même pendant cinq ans en Afrique. Pour nous, il n’était pas concevable de dissocier notre engagement à gauche et notre engagement , disons le mot, internationaliste.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la Seine, et nombre de nos rêves s’y sont noyés: mais , en tout cas pour ce qui me concerne, je continue à avoir beaucoup de mal à distinguer mon engagement à gauche avec mon engagement sur un certain nombre de causes à l’international.
C’est sans doute pour cela que je suis vraiment mal à l’aise quand je regarde les propositions et que j’écoute les propos de certains des candidats de gauche à l’élection présidentielle: sont ils infectés par les idées nauséabondes que le FN a instillé dans notre société et se sentent ils incapables de les combattre ? Je n’en sais rien, mais je n’accepte pas ces relents souverainistes, à la limite de la xénophobie, qui transpirent dans certains programmes.
Bien sûr les choses ont changé, et faute d’avoir vu venir les tensions qui se font plus dures sur le front de l’immigration, la gauche se trouve dans une impasse idéologique qu’elle ne pourra surmonter qu’en prenant le temps de la réflexion sur sa nature et sa vocation, ce qui est impossible quand approchent les élections. Sans compter bien sûr la menace islamiste et son cortège de drames sanglants.
Faut il pour autant faire du Trump ? C’est à dire considérer seulement le coté obscur de la mondialisation , celui qui déconstruit effectivement notre tissu industriel ? Faut il oublier que cette mondialisation, de l’autre coté de notre planète endormie sur ses lauriers, a permis à des millions d’hommes et de femmes d’accéder à un développement auquel nos aides hypocrites et notoirement insuffisantes ne lui ont jamais permis d’accéder ? Un développement que la gauche naguère considérait comme l’une de ses ambitions ?
Non seulement je crois que ça ce n’est pas la gauche, mais je crois profondément que cela n’arrêtera pas les peuples qui ont compris qu’ils peuvent dorénavant légitimement ambitionner de s’asseoir à la même table que nous et avoir leur juste part du gâteau.
Dès lors il ne reste que deux solutions:
La guerre pour garder le gâteau pour nous, et nous la perdrons car nous n’avons ni la foi pour la mener car nous avons trop à perdre ni le nombre pour la gagner.
Un nouveau deal pour que le gâteau grandisse et que nous puissions le partager équitablement.
La droite , plutôt esclavagiste par nature, préférerait sans doute la guerre. J’attends de la gauche qu’elle fasse preuve , car c’est sa vocation et sa nature, de plus d’humanité, et de plus d’imagination: j’appellerais cela du pragmatisme.