Très franchement, jusqu’à aujourd’hui je n’avais pas l’impression de vivre dans un paradis fiscal. A dire vrai ce n’est pas d’ailleurs ce que proclame la Cour des Comptes qui se contente d’empiler, une fois de plus les dispositions fiscales dérogatoires dont la Corse bénéficie parfois depuis des lustres, et estime, comme toujours, que ces dispositions portent atteinte à l’égalité des français devant l’impôt.
Rien de nouveau donc sous le soleil de la rue Cambon ou siègent ces magistrats . Rien de nouveau non plus dans la presse nationale, égale à elle même, qui s’est ruée sur les chiffres contenus dans le rapport comme la vérole sur la bas clergé breton, comme on disait naguère, pour se livrer à son sport favori, éreinter la Corse et les corses.
Rien de nouveau non plus en Corse si l’on en juge aux propos tenus ici et là par ceux qui font l’opinion dans notre Île, et sur-réagissent régulièrement, à l’image des médias dont ils condamnent pourtant, à juste titre, le comportement, et crient au complot contre la Corse et les corses.
La vérité est comme souvent un peu différente: la Cour des Comptes n’a rien à faire du calendrier parlementaire de l’assemblée nationale ou des préoccupations de l’assemble de Corse, comme elle n’en a strictement rien à faire du gouvernement de la République: c’est une instance indépendante qui fait le travail que lui confie la constitution.
On peut naturellement critiquer la méthode de travail de ses magistrats, mettre en charpie les conclusions de ses rapports, mais il n’est pas raisonnable de lui prêter des arrières pensées homicides envers notre Île.
Elle se comporte dans ce dossier, de la même façon qu’elle le fait en critiquant vertement les régimes de retraite particuliers dont bénéficient certaines professions en France , entre autres les agents de EDF ou de la SNCF qui introduisent, selon les magistrats une discrimination inacceptable vis à vis du régime général des salariés beaucoup moins favorables.
Si je suis donc, par la force des choses, plutôt indulgent envers cette institution je le suis beaucoup moins envers deux autres d’entre elles: les élus corses et les gouvernements qui se sont succèdés depuis la libération dans notre pays.
Les premiers parce-que , faute d’avoir su négocier pour la Corse un véritable statut fiscal qu’aurait justifié la situation d’insularité de notre territoire, ils se sont contentés de grappiller ici ou là de minces avantages sans la moindre cohérence les uns avec les autres.
La conséquence de cette carence ? Nous voilà de ce fait obligés de défendre aujourd’hui, l’une après l’autres, chacune de ses dispositions: arrêtés Miot d’un coté, fiscalité sur les vins produits en Corse de l’autre etc. en situation de faiblesse faute des garanties en béton que nous aurait donné un vrai statut fiscal.
Les seconds, la Parlement et le Gouvernement en l’occurrence, parce-que en se refusant à aller jusqu’au bout de la logique introduite en 1982 par le premier statut particulier de Gaston Defferre, c’est à dire d’accorder à notre Île le statut de large autonomie que chacun s’accorde, bien tardivement pour certains , à reconnaître indispensable, ils se trouvent aujourd’hui accusés par les magistrats de la Cour des Comptes de ne pas veiller à l’intérêt général !
Reste enfin la question de la pauvreté qui affecte l’Île. Sa mesure repose en partie sur une bonne connaissance des revenus des insulaires , et de ce point de vue, comme d’ailleurs sur l’estimation de la population de la Corse, il pourrait y avoir matière à discussion.
S’il est en effet à peu près clair que l’on peut difficilement contester le montant des revenus salariaux versés dans l’Île, il nous faut admettre que pour un certain nombre d’autres c’est une autre paire de manches.
Si l’on estime à près de 20% du PIB de la Corse, comme nombre d’économistes, le travail au noir , on ne connait pratiquement rien des revenus tirés par une partie de la population de la location en période estivale de revenus dont la grande majorité échappe sans aucun doute à la déclaration aux services fiscaux. Le tout représente des sommes considérables qui ne sont pas décomptées dans l’estimation des revenus perçus dans notre Île.
Si la Corse est incontestablement l’une des régions les plus pauvres de France , la méconnaissance des revenus dans notre région devrait nous inciter à la plus grande prudence dans le maniement des chiffres , ce qui est le plus souvent négligé.
La lecture des chiffres bruts de la statistique obéit aux mêmes règles: l’un de mes amis, éminent statisticien dit souvent que la statistique est sans doute la forme supérieure du mensonge, c’est tout dire…