Je ne vais pas faire la fine bouche et omettre de saluer le travail des députés nationalistes corses à l’Assemblée nationale : il est important et à bien des égards remarquable. Cela étant , en attendant la fin du processus législatif qui peut réserver encore des surprises, je ne crois pas que l’on puisse ramener la lutte contre la spéculation immobilière en Corse à une question de préemption, fut- elle réservée à une la collectivité unique comme le demandent nos députés.
La pression foncière qui s’exerce en Corse , se manifeste certes un peu partout dans le sud de la France. Il y a cependant pour moi une différence de taille entre la situation que cette pression provoque en Corse et ce qu’elle entraine ailleurs.
En Corse elle est en train de provoquer la disparition du peuple corse, dont l’existence continue dêtre niée par une Nation qui oublie d’ou elle vient, et qui ne sait plus vraiment ou elle va !
Les députés qui ont voté le texte présenté par le groupe Libertés et Territoires , à l’initiative des députés nationalistes corses, y ont vu à juste titre l’occasion de freiner la frénésie de construction de résidences secondaires dans leurs départements, et sûrement pas l’occasion de venir au secours d’un peuple qui agonise.
C’est pourtant là que se situe le noeud de la tragédie qui se noue sous nos yeux . La France est elle devenue aveugle au point de ne pas réaliser que ce ne sont pas les corses qui menacent l’unité nationale , l’unité de ce qui n’est plus, en définitive, comme l’a bien décrit Jérôme Fourquet dans « l’Archipel Français » qu’une nation multiple et divisée ?
A quoi peuvent bien penser ces bien pensants qui passent le plus clair de leur temps à s’ériger en défenseurs intransigeants des Ouighours, des indiens d’Amazonie, des Inuits canadiens et que sais je encore, ou encore de « ces minorités discriminées » qui pullulent sur notre territoire, et qui ne voient pas que , sous leurs yeux, disparaitre le peuple corse dont Rocard Premier Ministre a rappellé devant la représentation nationale que la conquête par les armées de la France a fait plus de morts que celle de l’Algérie ?
Je n’ai pas la moindre confiance dans les candidats qui se trouvent, au moins aujourd’hui, en position d’accèder au pouvoir dans quelques semaines, ce qui signifie que, au moins pour les 5 prochaines années, la situation continuera à se déteriorer.
Je ne sais pas davantage si les corses, quant à eux, sont en capacité de trouver en eux les ressources suffisantes pour se mobiliser et rappeler qu’ils ne sont pas décidés à devenir ces exilés de l’intérieur , si bien décrits dans l’essai de Roland Jaccard : « Ultime figure de l’histoire, le petit-bourgeois s’étend planétairement. Sur-contrôlé de l’extérieur, décorporalisé, désexualisé, hyper-normalisé, l’homme de la modernité, quoi qu’il en ait, sera de plus en plus l’image même de l’homme administré coulant une existence paisible dans des sociétés d’abondance totalitaires – sans jamais prendre conscience que si ses besoins y sont satisfaits, c’est au détriment de sa vie même ».
Ils ont encore , pour quelque temps, l’occasion d’échapper au sort peu enviable qui leur est promis, mais ils ne doivent l’attendre de personne d’autre que d’eux mêmes, en se rappelant que les peuples , comme les individus, ont le plus souvent le sort qu’ils méritent.