La réforme, oui , la chienlit, non ! aurait déclaré le Général De Gaulle , d’après le Premier ministre Georges Pompidou répondant aux journalistes à la sortie d’un conseil des Ministres.
Nous avons en Corse un vieux proverbe qui dit » e fune longe diventanu serpi » . Mot à mot, les longues cordes se transforment en serpents. On est encore loin de la sortie du conflit sur les retraites, de nombreuses étapes restent à franchir, depuis le passage en conseil des ministres, la discussion à l’Assemblée Nationale, puis au Sénat, et ensuite les discussions sur le financement dont le Premier Ministre a fixé le terme à la fin avril.
Au mieux, trois longs mois , qui s’ajoutent aux six semaines écoulées depuis le début de la grève, au cours desquels la question de la réforme des retraites et ses conséquences vont occuper la scène politique et sociale et donner à la contestation nombre d’occasions de se manifester.
Le temps des grands rassemblements semblant derrière nous, la contestation devient multiforme, on n’en a vu ces jours ci que les premières manifestations. Elles deviendront vraisemblablement plus dures, ce qui multipliera les risques de dérapages du coté des contestataires et des bavures du coté de la police dont l’attitude commence à poser de sérieux problèmes.
Tout cela se déroule, comment le passer sous silence, dans un climat particulièrement crispé, malsain, détestable, qui se prête à toutes les manipulations sur un fond de détestation du Président de la République pratiquement inédit.
J’ai vécu sous les mandats de huit présidents de la Vème République et je n’ai jamais vu ça, si l’on excepte la période, exceptionnelle, de la guerre d’Algérie ou une partie de la population qui se refusait à envisager l’indépendance de l’Algérie a conduit des opérations terroristes sur le territoire national et a tenté d’assassiner le général De Gaulle.
Il est impossible de ne pas s’interroger , et certains n’hésitent pas , à juste titre il faut le dire, à évoquer la haine que provoque la personne d’Emmanuel Macron. Elle n’a rien de naturel, même si tous les présidents de la République ont reçu leur compte d’injures et de basses attaques, elle reste exceptionnelle , et mérite qu’on de ce fait qu’on s’y attarde.
L’hebdomadaire l’Express en a fait sa une, s’interrogeant: d’ou vient elle, jusqu’où ira-t-elle ? C’est une bonne question et elle est plutôt angoissante au regard de ce qui s’est passé dans notre pays depuis la révolte des gilets jaunes jusqu’à cette grève dont la longueur est assez exceptionnelle pour que l’on s’interroge sur ce qu’elle reflète de l’Etat du pays.
Je ne considère pas pour ma part que Macron soit un bon Président de la République. Non pas qu’il soit dépourvu de talent, il aurait probablement fait un bon premier ministre d’un Président éclairé, mais il n’est pas pour moi l’homme de la situation, et il a coché l’une après l’autre toutes les cases qu’il ne fallait pas.
Non content d’avoir accordé les postes ministériels les plus importants aux fidèles entre les fidèles de Sarkozy et Juppé, alors qu’il avait été porté au pouvoir par les electeurs de Hollande, il s’est empressé de faire un somptueux cadeau fiscal aux plus riches des Français, en multipliant les provocations envers les plus démunis auxquels on accorderait un « pognon de dingue », qui seraient réfractaires aux changements , et qui seraient incapables de traverser la rue pour trouver du boulot.
Lorsque la crise, aussi inattendue que brutale des gilets jaunes est venue, provoquée par une décision dont il n’a pas mesuré l’impact, il n’y a vu qu’un mécontentement catégoriel auquel il fallait, après beaucoup de tergiversations, donner satisfaction en y consacrant quelques milliards d’euros, sans voir le profond malaise qu’elle révélait, dont les manifestations n’ont probablement pas fini de surprendre.
Dans une démocratie saine et bien réglée , devant une situation aussi préoccupante , le salut vient de l’opposition au Parlement, qui porte normalement le projet alternatif capable d’offrir aux citoyens une sortie démocratique de la crise.
Il n’y a plus d’opposition qui vaille au Parlement, et le pouvoir se trouve donc en prise directe avec le peuple. Les partis politiques sont en convalescence, les syndicats méprisés et divisés, le parti présidentiel ectoplasmique et sans ancrage territorial, et le Président ne peut plus sortir dans Paris sans s’exposer à un incident grave. Autrement dit, la situation peut devenir d’un jour à l’autre explosive, et rien n’est en place pour y faire face, si l’on veut bien considérer que la seule réponse policière n’est pas envisageable.
Reste la question des banlieues, étonnamment calmes, que le projet présidentiel de s’attaquer, enfin, à l’islamisme politique et au salafisme pourrait réveiller.
L’opposition, et singulièrement l’opposition de gauche doit se montrer , dans cette situation, responsable pour deux. On peut légitimement douter qu’elle en soit capable, mais on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise.
Bonne année donc, et comme on dit chez moi en Corse en ce début d’année : Pace e Salute ! On ne saurait mieux dire.