isula 2J’étais samedi à Isula Rossa et, alors que nous faisions quelques emplettes je bavardais comme j’aime le faire avec  deux des  commerçants que nous visitions sur le ressenti qu’ils avaient du déroulé de « la saison touristique ».

Pour le  premier  le constat était clair: un mois de juillet et un mois d’août catastrophiques pour son commerce. Il en imputait la raison  principale au fait que  » les gens n’ont plus d’argent en France ».

Je n’ai pas, bien sûr, été surpris lorsque le second  m’avoua qu’il était tout aussi catastrophé et craignait pour l’équilibre  de son affaire. Pour lui, par contre, le principal responsable de la situation c’était le prix du transport: lorsque je vois, me disait il,  que l’on propose à un couple un séjour d’une semaine en Tunisie, en Grèce ou même en Espagne pour 350 € tout compris , je réalise que la Corse n’est plus compétitive.

Il n’est probablement pas le seul à le penser, loin de là, et cela constitue un vrai problème pour moi parce que ce ne sont pas là des considérations de nature à permettre de trouver la réponse à l’impasse que constitue le tourisme de masse.

Le problème pour la Corse n’est pas de se rapprocher du modèle proposé par ces destinations, mais de s’en distinguer. Il ne s’agit pas pour elle de se fondre dans une médiocrité mortifère mais de s’en écarter.

Pour cela, une seule solution: viser l’excellence dans tous les domaines: excellence de l’accueil, excellence de la politique environnementale, excellence des prestations quelle qu’en soit la nature, excellence des produits de l’agriculture et de l’artisanat, excellence de la mise en valeur de la culture et de la civilisation corse.

Mais l’excellence a un prix, et ce prix il faut le payer: c’est valable pour les visiteurs comme pour les corses , qu’ils appartiennent  aux professions du tourisme ou non.

Pour les corses, payer le prix de l’excellence c’est accepter de remettre en cause un certain nombre de politiques qui trouvent aujourd’hui leurs limites. Parmi les principales , citons:

  • La politique de transport extérieur.

Il n’est plus possible de continuer à laisser les compagnies maritimes dicter leur politique qui a consisté jusqu’à aujourd’hui à décider de la nature et l’importance de leur flotte en fonction de leurs intérêts et à imposer aux corses d’en tirer les conséquences en construisant des  infrastructures coûteuses pour leur permettre de l’exploiter.

L’arrivée des Ferries  a constitué un progrès et a rendu beaucoup de services, mais il est aujourd’hui indispensable de la mettre à plat.        Pour le fret privilégions donc les porte containers, et pour les voyageurs l’avion. Cela nous évitera d’investir dans un nouveau  » grand port » qui figerait le modèle actuel pour 50 ans, et redistribuerait les flux touristiques de manière plus équilibrée qu’aujourd’hui.

  • La politique de transport intérieur. 

Il n’est plus possible de continuer la politique du  » tout automobile » dans notre Île en négligeant de manière irresponsable les transports en commun qui sont chez nous faméliques.

Le rétablissement d’une ligne de chemin de fer électrifiée moderne de Bastia à Bonifacio, outre qu’elle ouvrirait un grand chantier pourvoyeur de centaines d’emplois comme nous n’en avons pas connu depuis la mise en valeur de la plaine orientale par la SOMIVAC dans les années soixante, cela permettrait de revitaliser les villes moyennes du cordon oriental en dé-saturant l’agglomération bastiaise régulerait les flux estivaux d’automobiles entre la région bastiaise et l’extrême sud.

En même temps , la mise en service d’une flotte de véhicules électriques en libre service dans les régions les plus touristiques , de la Balagne à l’extrême sud, permettrait à notre Île d’entrer de plain pied dans la mobilité du futur et éviterait  à nos visiteurs d’embarquer  leur automobile sur un Ferry. La pollution en serait diminuée d’autant et chacun s’en trouvera mieux.

  • La politique environnementale. 

Si l’on veut que la Corse soit demain le Costa Rica de la méditerranée il faut s’en donner les moyens et ne pas se contenter de voter des lois « de protection » au Parlement et des motions à l’assemblée de Corse.

Un corps de « gardiens de la nature » doit être créé de manière à ce que l’ensemble des sites remarquables les plus sensibles fasse effectivement l’objet de mesures de nature à en préserver l’intégrité. C’est loin d’être le cas aujourd’hui ou ils ne sont protégés que formellement et sont menacés par la sur-fréquentation et les incendies.

Nos visiteurs doivent être individuellement informés de ce que nous attendons d’eux pour participer à la politique de préservation de notre environnement, et des sanctions qui ne manqueraient pas leur être infligées en cas de manquement grave.

Cela concerne tout particulièrement l’utilisation de l’eau. Le réchauffement climatique qui est à nos portes implique que le stockage et la consommation d’eau potable fassent l’objet de mesures destinées à encadrer sérieusement la consommation et sanctionner le gaspillage. Cela concerne tous les insulaires comme les visiteurs: la construction de piscines comme la consommation de l’eau sans limite dans les hébergements gagneront à être revues et contrôlés sérieusement.

Toutes ces mesures , à mon avis indispensables, nécessitent que les corses les comprennent, les approuvent,  et soient prêts à consentir les sacrifices qu’elles impliquent. Cela nécessite qu’ils soient sérieusement informés et surtout consultés le moment venu. J’y vois pour ma part un salutaire exercice de démocratie participative.

Elles mobilisent des financements importants auxquels doivent naturellement participer les bailleurs de fonds que sont la France et l’Europe, les insulaires et , c’est important, les touristes.

Pour les touristes, payer le prix de l’excellence c’est accepter de participer à l’effort