GillesJ’ai assisté à la réunion de lancement du nouveau parti autonomiste issu de la fusion des trois composantes qui constituent le cartel électoral Femu a Corsica.

Beaucoup de monde dans le grand amphithéâtre bondé de l’université de Corse pour entendre les interventions de Jean Biancucci, Jean Christophe Angelini et Gilles Siméoni. Beaucoup de nationalistes , essentiellement, mais aussi de personnes de sensibilité différentes , de gauche comme de droite.

Nul doute, après les trois interventions, que le nouveau parti sera un parti ouvert à tous les habitants de l’Île qui se reconnaissent dans l’action de la majorité qui conduit aujourd’hui la politique de la CTC, qu’ils se définissent ou non comme des nationalistes corses.

C’est là un pari ambitieux, voire téméraire, pour ceux qui pendant 50 ans se sont opposés , parfois rudement, aux partis traditionnels dans l’Île : il va leur falloir parler dorénavant à des militants, des électeurs qui en sont issus, des citoyens différents de ceux qui ont partagé leurs combats pendant des années , sans que ces derniers aient le sentiment d’être tenus à l’écart pour faire place aux ouvriers de la onzième heure.

Il va falloir aux dirigeants de ce parti beaucoup de lucidité pour distinguer les ralliements de citoyens sincères , car les opportunistes ne vont pas manquer de saisir l’occasion de se refaire à peu de frais une virginité politique.

Certes, comme l’a reconnu Gilles Siméoni, Femu a Corsica partira aux elections dans quatre mois en position de favori: la droite comme la gauche traditionnelle sont hors d’état de présenter aux corses une offre crédible.

La République en Marche de son coté est encore en gestation dans l’Île et on ne peut pas dire que ses dernières apparitions dans le champ électoral aient connu un franc succès: Emmanuel Macron est arrivé troisième au premier tour de la présidentielle avec le faible score de 18%, et il s’en est fallu de peu qu’au second tour il soit battu par marine Le Pen.

Les législatives ne lui ont pas été plus favorables, la Corse est la seule région ou LREM n’a pas obtenu un seul député, et un seul des quatre candidats est arrivé au second tour pour se faire battre à plate couture par un nationaliste.

Incapables de profiter de l’effet  « casaque Macron »  il y a deux mois, les représentants de LREM ne présentent pas en corse l’image du renouvellement: la chute de popularité du Président de la République, qui devrait se poursuivre dans les semaines à venir, et l’immobilisme de son gouvernement sur les solutions à apporter à la question corse, constitueront pour eux un sérieux handicap dans la compétition qui s’ouvre.

Reste pour Femu a Corsica à répondre à l’invitation de Corsica Libera de partir en décembre prochain avec une liste unique rassemblant les deux formations qui gouvernent ensemble la Corse depuis bientôt deux ans.

Quelle que soit la réponse elle ne manquera pas de peser sur le prochain scrutin comme sur l’avenir de chacune des deux formations: j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir prochainement.

De toute façon, si la victoire des nationalistes , unis ou non au premier tour parait extrêmement probable, la seule incertitude concernant l’obtention de la majorité absolue à l’assemblée de Corse, il faudra à la future majorité beaucoup d’ingéniosité et d’autorité pour aborder l’un des dossiers les plus épineux de la prochaine mandature: la fusion des trois collectivités au sein d’une collectivité unique.

Il y a en effet dans ce dossier, à la fois très technique et éminemment politique, tous les ingrédients pour miner et compromettre la mandature.

Il faudra à l’exécutif à la fois beaucoup d’autorité et beaucoup de diplomatie pour éviter les obstacles, dont le plus dangereux est l’enlisement dans les inévitables traquenards que ce type d’opération comporte.

D’autant que un autre dossier particulièrement important devra mobiliser  l’énergie des prochains élus: la négociation avec l’Etat d’un statut d’autonomie qui permette aux élus corses d’élaborer des textes ayant force de Loi sur le territoire insulaire.

Nous aurons là aussi l’occasion d’en reparler.