collectif BastiaLe 15 novembre 2012, il y a tout juste 7 ans , le Premier Ministre Jean Marc Ayrault déclare à Ajaccio: la mafia est à l’oeuvre en Corse. Le 8 mai 2013 c’est Manuel Valls, Ministre de l’intérieur qui l’évoque dans un entretien avec l’Express, et toujours le 15 novembre, Christiane Taubira, Ministre de la Justice n’exclut pas la création d’un  pôle anti-Mafia.

Mais ça , c’était avant. Depuis comme chacun sait  le « Nouveau Monde » est arrivé sur notre pays comme le Saint Esprit sur les apôtres et , dieu merci, aujourd’hui tout va mieux comme on peut l’observer tous les jours en Corse, puisque pour les autorités et pour tous ceux qui, dans l’Île n’acceptent pas qu’il puisse y avoir dans notre Île une quelconque dérive mafieuse, il n’y a rien qui permette d’en parler en Corse.

Il faut croire que ce n’est pas l’avis de tous le monde, puisque depuis quelques semaines deux collectifs ont été créés par des femmes et des hommes vivant dans l’Île. Issus de la société civile, ingénieurs, universitaires, chefs d’entreprise, écrivains, enseignants, journalistes, artistes, retraités de la fonction publique militants associatifs , ils connaissent leur Île, ils en mesurent les difficultés et en connaissent les arcanes.

J’ai été, avec Léo Battesti, à l’origine de la création de l’un de ces collectifs « MaffiaNo Vita Ié ! » dont le document fondateur a été signé par 30 personnalités insulaires et rejoint par plus de 3200 corse de l’Île et de l’extérieur.

Les deux premières réunions que nous avons tenues à Bastia et à Calvi ont rassemblé beaucoup de monde et nous avons rencontré , chez les participants une forte prise de conscience de la réalité de la dérive mafieuse qui pèse sur notre Île et une réelle volonté de peser sur les autorités locales et nationales pour qu’elles prennent les dispositions nécessaires pour y mettre fin.

D’autres réunions auront lieu à Santa Lucia di Portivecchiu, Sartène, Ghisonaccia et Ajaccio.

Il aura suffi d’un échange avec le public au cours duquel Marie France Giovannangeli, l’une des portes paroles du collectif, fait allusion à la porosité , difficilement réfutable, qui existe entre le milieu et certains politiciens pour que se déchaîne la  polémique.

La main sur le coeur et drapés de probité candide, un certain nombre de personnalités ont flétri durement les propos de Marie France , prenant prétexte de ce qu’elle avait imprudemment évoqué une supposée « présomption de culpabilité » , alors que  le droit français ne reconnait que  « la présomption d’innocence » .

Une polémique au demeurant particulièrement commode  lorsque l’on veut éviter d’aborder franchement la question de la dérive mafieuse dans notre Île et , bien entendu, la porosité entre la sphère politique, le monde des affaires et le milieu.

Pourtant, et je n’en veux pour preuve que cet extrait du rapport du Procureur général Legras à la ministre de la Justice Elisabeth Guigou en juin 2001 , rapport que je tiens à disposition ce ceux qui souhaitent en prendre connaissance, les membres des collectifs ne sont pas les seuls à évoquer une dérive mafieuse.

J’ai eu à en observer les causes comme les effets, moi même, lorsque j’exerçais des responsabilités au Conseil Général de haute Corse  et à l’Assemblée de Corse , et lors de l’entretien que le procureur Legras m’avait accordé à l’occasion de la parution de son rapport, ou je me suis  rendu compte à quel point la porosité était flagrante y compris lorsque certains des plus hauts fonctionnaires de la police judiciaire à Paris, en arrivent, selon les termes employés par le Procureur, à passer un pacte avec les voyous..

Lorsque j’ai été battu à la mairie d’Aléria, après que je me sois élevé publiquement à plusieurs reprises pour alerter, en pure perte, les autorités sur l’emprise croissante du gang de la brise de mer sur l’économie du département de haute Corse , un certain Daniel Vittini , membre du gang en question, assistait au dépouillement, bien qu’il n’ait eu rien à voir avec  la commune ni qu’il ait figuré sur les listes électorales. Il a été lâchement abattu quelques mois plus tard dans le maquis entre Corte et Aléria par ses « amis ».

Le gang en question  comptait des amis à Aléria qui avaient, bien entendu, fait campagne contre moi.

Enfin, et pour mettre les choses au point une bonne fois pour toutes, le Collectif MaffiaNo Vita Ié , s’est fixé trois  objectifs et trois  seulement:

  • sensibiliser la population de notre Île au danger que représente la dérive mafieuse et lui demander de rester mobilisée contre ce péril.
  • demander aux  autorités locales de prendre conscience du problème et de se mettre en mesure de le combattre
  • exiger du gouvernement qu’il prenne ses responsabilités et agisse avec les moyens dont il dispose en les renforçant le cas échéant

N’en déplaise à nos contempteurs, nous ne sommes ni des enquêteurs de police, ni des auxiliaires de justice , pas plus naturellement que des délateurs ou des Savonarole qui rêvent de dresser des bûchers.

Nous sommes seulement des citoyennes et des citoyens décidés à s’occuper d’une question qu’ils estiment importante et qui entendent sensibiliser le plus grand nombre de nos concitoyens,  et mettre les autorités, ou qu’elles se tiennent devant leurs responsabilités.

Bien sûr la Corse n’est pas la Sicile pas plus que  la province de Naples, et ce n’est pas demain qu’on verra un  Toto Riina corse prendra la tête d’une quelconque coupole.

Mais  raison de plus pour agir sans délai, avant que les conditions ne soient réunies pour que cela se produise !