Edouard PhilippeC’est une drôle d’expression qu’a employé le Premier Ministre en faisant allusion à la Corse lors de son discours d’investiture devant la représentation nationale. La Corse aurait émis, selon lui, un vote identitaire.

Si la question identitaire est importante pour les nationalistes corses, qu’ils soient autonomistes ou indépendantistes, il ne leur viendrait pas à l’idée de considérer que les scores impressionnants qu’on réalisé leurs trois députés le 18 juin  dernier, en moyenne de plus de 60% des suffrages, signifient  une conversion  à l’acception nationaliste de la question de l’identité dont personne ne songe naturellement à nier l’importance dans l’Île.

Reste que Monsieur Edouard Philippe, comme le Président de la République, et probablement nombre de ministres ou de collaborateurs ministériels, ne semblent pas avoir de la question corse la moindre idée.

Je n’ai connu pour ma part que deux hommes politiques français qui aient fait l’effort de comprendre la Corse et les corses, Michel Rocard et Pierre Joxe. Tous les deux l’on d’ailleurs prouvé en menant les réformes qui s’imposaient malgré les oppositions et les chausses trappes.

Il leur faudra bien pourtant se rendre à l’évidence: la Corse n’est pas et ne sera probablement jamais une région métropolitaine comme les autres.

  • Connaissent ils une seule région métropolitaine ou une assemblée élue a voté à une large majorité un texte demandant à ce que la langue locale ait le statut de langue officielle ? Ils n’ont pas besoin de chercher il n’y en a pas.
  • Connaissent ils une seule région française métropolitaine ou il y a seulement 7 ans un parti revendiquant l’indépendance rassemblait près de 10 % du corps électoral malgré le fait qu’il soutenait les clandestins qui pratiquaient à l’époque la lutte armée contre la France ? Ils n’ont pas besoin de chercher, il n’y en a pas.
  • Connaissent ils une seule région française métropolitaine qui ait voté , à une large majorité, un texte qui exige 10 ans de présence dans l’Île pour acquérir un bien immobilier ? Ils n’ont pas besoin de chercher, il n’y en a pas.
  • Connaissent ils une seule région française métropolitaine ou les nationalistes sont portés au pouvoir il y a 18 mois, ou le chef du parti indépendantiste est président de l’assemblée délibérante, et ou trois députés nationalistes viennent d’être élus triomphalement à l’assemble nationale? Ils n’ont pas besoin de chercher, il n’y en a pas.

On pourrait continuer ainsi à énumérer ainsi ce qui fait la singularité de cette Île, et que tout le monde, à Paris, devrait regarder avec l’objectivité qui convient à l’énoncé de ces faits, dont on dit pourtant qu’ils sont têtus.

Les corses ont manifestent envers leur Île, leur terre, un attachement, un sentiment d’appartenance,  qui trouble les continentaux: sans doute parce qu’ils ont perdu l’un et l’autre.

Ils se considèrent comme un peuple, et quand ils sont nationalistes comme une nation: j’ai voté pour ma part dans le passé, à plusieurs reprises, et en pure perte,  pour que ce peuple soit reconnu par la République , et la reconnaissance du peuple corse figure dans le préambule d’une loi de la République, n’en déplaise aux jacobins qui fourmillent dans les cénacles du pouvoir, même si, il est vrai, ça ne mange pas de pain.

Le message qu’ils ont envoyé au Président de la République et au Premier Ministre en élisant trois députés nationalistes est clair: il est plus que temps que la République traite la question corse comme elle le mérite, c’est à dire avec le respect et le sérieux qui s’imposent, en espérant qu’il ne soit pas trop tard.

Il est peut être trop tard en effet, me semble-t-il pour une partie de la jeunesse dont les liens avec la France sont plus que distendus, qui rêve d’indépendance, est entrée dans une opposition frontale avec les institutions françaises,  et est bien décidée à emporter la conviction du plus grand nombre possible de corses.

Brandir la République comme un ostensoir face à ceux qui se considèrent comme les victimes de ses errements dans l’Île ne fera qu’aggraver la situation, tout comme réduire la crise à la question , certes essentielle mais insuffisante , du développement économique.

C’est une crise politique majeure à laquelle est dorénavant confronté le gouvernement, et c’est une réponse politique claire qu’il convient de lui apporter.

S’il en prend conscience, ce que je souhaite sans trop y croire, il doit commencer à étudier sans plus tarder avec les représentants de la Corse, à l’assemblée de Corse et au Parlement,  les conditions dans lesquelles la Corse bénéficiera, au sein de la République, d’un large statut d’autonomie qui permette aux insulaires d’élaborer et de voter, dans les domaines de compétence dont ils auront obtenu la dévolution  des textes ayant force de loi sur son territoire.

Rien ne serait plus dommageable que de voir le gouvernement regarder la Corse comme la poule de la fable regarde le couteau, en se demandant comment elle va pouvoir le saisir …

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